• Nov 26, 2025

TDAH, travail et régulation : apprivoiser son chaos intérieur

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Témoignage : quand le vécu éclaire la théorie  
Dans cet article, nous donnons la parole à quelqu’un qui nous livre une exploration personnelle et subjective de son TDAH. Loin des définitions cliniques habituelles, il décrit de l'intérieur la réalité de la dysrégulation émotionnelle et son rapport au stress dans le monde du travail. Si chaque profil TDAH est unique, ce récit illustre avec force une composante souvent négligée du trouble : l'impact physiologique de l'hyperactivité et l'importance d'apprendre à connaître son propre système nerveux. Une lecture inspirante pour comprendre ce qui se joue « sous le capot » d'un cerveau en ébullition.

Pendant longtemps, j’ai cru que j’étais juste un gars différent. Trop intense. Trop rapide. Trop tout. J’enchaînais les projets, les idées, les changements de cap. Je m’ennuyais vite, je me lassais vite, je m’agaçais vite. Et à chaque fois, je pensais que c’était les autres le problème — ou alors, que j’étais “cassé”. Le diagnostic de TDAH est arrivé tard, après des années de doutes, de fatigue et de thérapies partielles. Quand le mot est tombé, ce n’était pas une étiquette de plus : c’était un mode d’emploi enfin lisible. J’ai compris que mon cerveau n’était pas en panne, il était survolté — qu’il carburait à la dopamine, qu’il cherchait sans cesse du sens, du mouvement, du vivant. Mais surtout, j’ai compris que derrière cette agitation, il y avait un corps épuisé, un système nerveux qui ne savait plus quand s’apaiser.

Le nerf vague, ce frein oublié

Pendant des années, j’ai vécu en mode “accélérateur bloqué”. Toujours prêt, toujours sous tension, toujours dans l’urgence. Je confondais stimulation et existence. Le système sympathique, celui de l’action et du stress, me tenait debout — mais me vidait. Et mon nerf vague, ce long fil du parasympathique censé ramener le calme, restait en sommeil. J’étais prisonnier d’un paradoxe : hyperactif à l’extérieur, épuisé à l’intérieur. Quand on vit avec un TDAH, le corps cherche sans cesse un équilibre entre le besoin de mouvement et la quête de sécurité. Mais si ce besoin n’est jamais nourri sainement, c’est le stress qui prend la relève. Et le stress chronique, lui, court-circuite le nerf vague. Résultat : on vit dans une vigilance constante, une forme d’alerte sourde. Je le voyais au travail : un mail oublié me crispait comme une menace, une réunion inutile me vidait, un conflit mineur m’obsédait pendant des jours. Ce n’était pas “de l’émotivité”. C’était une activation nerveuse mal régulée : l’amygdale sonnait l’alarme, le nerf vague n’arrivait plus à freiner. Mon cerveau et mon corps vivaient chacun leur propre tempête. 

Le travail : terrain d’expression et de dérégulation 

Le travail, pour moi, c’est à la fois un refuge et un piège. Un lieu où je peux me dépasser, créer, foncer… mais aussi un lieu où je m’épuise. Quand je suis lancé sur un projet, c’est l’hyperfocus : je peux déplacer des montagnes. Mais si l’intérêt chute, c’est la panne sèche. Le contraste est brutal — pour moi, et pour les autres. Travailler en équipe, c’est un exercice d’équilibre : je cherche la fluidité, la vitesse, la clarté, mais le monde professionnel fonctionne à la lenteur, à la hiérarchie, à la prudence. Alors je m’impatiente. Et quand je sens l’immobilisme, mon système nerveux s’emballe : je passe en mode “lutte ou fuite”. Le TDAH, au travail, c’est souvent ça : un corps qui veut agir, un cerveau qui veut comprendre, et un environnement qui demande d’attendre. Et plus on attend, plus on se sent enfermé. 

Le prix de la performance émotionnelle

À force de vouloir “tenir”, j’ai fini par comprendre que ma nervosité n’était pas un défaut de personnalité. C’était une réaction biologique. Un système nerveux qui ne sait plus redescendre. Chaque conflit, chaque tension, chaque injustice au boulot rallumait cette vieille mémoire de lutte, cette incapacité à lâcher prise. Ce n’était pas une colère contre les autres — c’était un sursaut de survie. Avec le temps, j’ai appris à reconnaître ces signaux : le cœur qui s’accélère, la mâchoire qui se crispe, les pensées qui tournent. C’est le corps qui parle avant la tête. Et aujourd’hui, au lieu de lutter contre, j’essaie d’écouter. Quand je respire lentement, quand je m’ancre, je donne enfin au nerf vague l’occasion de reprendre son rôle : rappeler au corps qu’il n’est plus en danger. C’est ça, la vraie autorégulation : un apprentissage patient, physique, bienveillant.

 Apprendre à composer

Je n’ai plus envie de corriger mon TDAH. J’ai envie de le comprendre, de le canaliser, de l’utiliser comme une boussole. Je sais maintenant que je dois travailler dans des environnements ouverts, vivants, adaptables, où ma créativité est une ressource et non un problème. Je sais aussi que je dois m’écouter : respirer, faire des pauses, me reconnecter à mon corps. Parce que la vérité, c’est que le TDAH n’est pas qu’une affaire de cerveau. C’est une affaire de système nerveux, de régulation émotionnelle, de rapport au monde. Et plus je prends soin de ce lien entre mon esprit et mon corps, plus je trouve ma juste place dans le travail et dans la vie.

Conclusion

Le TDAH, c’est vivre avec un moteur puissant dans un châssis sensible. Et le nerf vague, c’est ce fil invisible qui permet de garder la route, malgré les virages. Apprendre à le connaître, c’est apprendre à se connaître soi-même. À trouver dans le chaos non pas un défaut à corriger, mais une énergie à apprivoiser.

Note importante sur la Théorie Polyvagale  

"Dans ce témoignage, l'auteur utilise les concepts de la Théorie Polyvagale (TPV) pour décrire son expérience (état de figement, sécurité, engagement social). Si cette théorie est très appréciée dans certaines psychothérapies pour les outils concrets qu'elle propose (respiration, ancrage) et les mots qu'elle met sur les émotions, il est important de noter qu'elle fait l'objet de critiques importantes au sein de la communauté scientifique. Les recherches actuelles en neurobiologie indiquent que le fonctionnement du nerf vague est plus complexe que la division binaire (Ventral/Dorsal) proposée par Stephen Porges. Sur ce blog, nous vous invitons à voir ces concepts comme des métaphores utiles pour comprendre vos ressentis, plutôt que comme une description anatomique stricte. L'efficacité des exercices de régulation (comme la cohérence cardiaque), elle, reste bien validée par la science classique, indépendamment de la théorie utilisée pour l'expliquer."

Haïku final

Sous l’orage ancien,
Le cœur bat, cherche l’équilibre —
Et renaît plus vrai.

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